Rencontre avec Félix sabal-Lecco

Il y a trois qualificatifs qui selon moi peuvent décrire Félix, humble, généreux et talentueux.

Il répond pour nous aujourd’hui, aux questions que je lui ai posé, tout comme il joue, à fond, et sans rien laisser au hasard.

La liste des artistes, pour qui il a assuré le drumming, est impressionnant.

Toujours aux quatre coins du monde, avec un groove sans faille, aujourd’hui avec nous, pour en savoir d’avantage sur son parcours hors du commun.

Sting, Manu Dibango, Youssou Ndour, Peter Gabriel, Herbie Hancock, Paul Simon, Prince, également en trio avec
Jonas Helleborg et shawn Lane, Janet Jackson, Snoop Dogg,
Lenny Kravitz, Sade, Jeff Beck, Salif Keita, Alan Stievell, Carol King, Joao Bosco, The Brecker Brothers, et bien d’autres, lui font régulièrement confiance pour assurer d’une main de maître, un groove, un tempo, et un feeling, des plus audacieux de la planète.

Sans parler de son côté humain qui n’est pas en reste, ce que les artistes qu’il accompagne reconnaissent très largement.

Comme je le dis souvent, « Nous jouons comme nous sommes »
Ce que Félix aime proclamer à qui veut l’entendre.



Merci Félix pour le temps passé à répondre à mes questions, et pour le rêve que
tu sais si bien partager avec nous :-)      

fc

1) Peux-tu nous dire comment tu as eu envie de jouer de la batterie, et où cela s'est-il passé ?

Tout a commencé au Cameroun, en fait à la base, je suis bassiste.


J'ai joué pendant des années, mais la batterie n'était que secondaire, il n’y a qu’au lycée que je jouais de la batterie avec différents groupes.
De plus, je ne connaissais qu'un seul rythme, et on m'appelé pour faire ce rythme là, et comme  je le faisais plutôt bien, les gens croyaient que j'étais un vieux batteur professionnel.
Avec ce rythme, j'ai fait presque toute ma carrière au Cameroun, à des tempos différents.
C'est le seul que je connaissais, et je l’ai traduit dans plusieurs morceaux, toujours grâce à la vitesse qui variait, du coup, j'ai joué un peu de partout.
Après ça, Je suis arrivé en France, mais pas en tant que batteur, mais en tant que bassiste.

2) Cela t’a t-il permis de partir en tournées, comme bassiste en France, plutôt qu’en tant que batteur ?

Absolument, j'ai même fait beaucoup de séances de studio.
Je jouais à l'époque, avec beaucoup de petits groupes pas du tout connus, les groupes étaient tous différents, il y avait du funk, du reggae, du jazz, mais très peu pour le jazz, l'essentiel était le reggae et le funk, et un peu de Féla, l'Afro beat.

3) Comment s'est passée la transition de bassiste à batteur en France ?

Tout repose sur un concours de circonstances, lorsque je jouais avec Manu Di Bango en tant que bassiste.
Mon frère Armand, qui lui, est un excellent batteur ( il vit aujourd'hui en Espagne), jouait aussi avec Manu au même moment que moi. Un jour il a tardé à arriver à la répétition, alors pour ne pas prendre trop de retard, Manu à demandé au guitariste de prendre ma place, pour que je puisse jouer de la batterie en attendant mon frère.
Mais ça n'était pas très brillant, parce que je n'avais pas beaucoup d'expérience avec Manu en tant que batteur.
J'ai donc commencé à jouer bien carré, bien droit, je ne me permettais pas de fantaisies, c’était  impossible.


Là-dessus, mon frère Armand est arrivé, mais avec pas mal de retard, du coup on lui a demandé de prendre la basse, en lui disant que je faisais la batterie.


Comme il jouait simplement, il n'a pas fait d'a coté pour ne pas se planter.
Manu a trouvé ça tellement bien , qu'il a décidé, après un concert, de garder la formation comme cela, et ça n'a jamais plus changé.

Tu sais en Afrique il n'est pas rare que les musiciens jouent de plusieurs instruments.

Un exemple, quand tu entends Etienne M'Bape jouer de la guitare, tu oublies qu'il est bassiste, et vis et versa.

Quand nous commençons à jouer, nous rentrons dans la peau du batteur, du bassiste. du guitariste, ou du saxophoniste.
Au Cameroun, il y a beaucoup de gens polyvalents, qui jouent aussi très bien de plusieurs instruments.


Du coup, nous avons fait cela naturellement, Manu à aimé notre façon de jouer sans fioritures, même si s'est arrivé après (rires), mais tout fonctionnait très bien, et nous sommes restés ensemble tout de même 13 ans.


4) Lorsque tu as obtenu la naturalisation Française, pour remercier la France de son accueil, tu as décidé d'interpréter la Marseillaise avec ta batterie, comment t'est venue cette idée, et comment l'as tu travaillé ?

Un jour, j'ai reçu une lettre du président de la république du moment (Jacques Chirac), signée personnellement, me souhaitant la bienvenue dans notre pays, tout en me rappelant qu'il fallait être soumis aux règles de la France.


J'ai fêté ça avec des amis, et l'un d'entre eux m'a dit, "maintenant tu ne chanteras plus l'hymne national du Cameroun, mais celui de la France : La Marseillaise"
Je lui ai répondu que n’étant pas chanteur, il me faudra sûrement le faire à la batterie.


Alors nous sommes descendus dans mon studio, et j'ai commencé à jouer la marseillaise, sur la batterie de répétition, que j'avais à ce moment là.
Un des gars m’a dit, "il faut faire sortir ça maintenant"
Alors je l'ai fait, pour remercier la France, et je me suis engagé à jouer la marseillaise, à chaque début d'une master class, voilà comment l'idée est venue.


Aujourd'hui à chaque solo que je joue, il y a aussi la Marseillaise.
Mais ce n’est pas quelque chose que j'ai travaillais, je l'ai fait de façon instinctive, je n'ai pas choisi les notes, s'est venu tout seul.


Tu vois avec une batterie de 6 toms, ça marche bien, et parfois je joue avec une batterie qui a 3 ou 4 toms.


C’est plus difficile, car je ne peux pas faire toutes les notes, mais les gens reconnaissent bien la marseillaise, car je recherche toujours un maximum de notes, tout en jouant sur différentes parties de la peau des toms, en tendant et détendant, les peaux avec les doigts.


5) Ton jeu est très physique, fais- tu des échauffements avant de jouer, si oui lesquels ?

Je ne fais aucun échauffement, tu sais, j'ai un tempérament énergique en permanence, je suis toujours en mouvement, j'estime donc être toujours prêt musculairement.
Quelque soit l'endroit ou je me trouve, je suis en mouvement.
Je suis conscient d’avoir beaucoup de chance d'être physiquement en forme.
Avant de jouer le soir, pour un concert ou un master classe, je bouge beaucoup tout au long la journée.

S’il y a une chose que j’aime faire, lorsque je suis chez moi, c'est mon jardin.


Je coupe, je taille, je plante, je transplante, je fais beaucoup de manutention, je coupe aussi du bois pour la cheminée, je suis un peu « bûcheron », tout ça m'aide à garder la forme.

6) Peux-tu nous raconter l'organisation d'une tournée, avec des artistes comme Sting, Peter Gabriel etc..... Comment tu es contacté,  comment tu travailles avant de retrouver le reste des musiciens ?

La manière que j'ai de travailler, avec ces gens là, est simple.
Au départ ils m'appellent, certains le font d’eux-mêmes, d'autres me font appeler par leur manager.
Par exemple, pour Peter Gabriel ou Prince, c’est eux qui m’ont contacté directement.
Et je ne sais pas pourquoi, mais je suis toujours surpris quand on m’appelle, tout comme je l’ai été quand tu m’as appelé pour faire cette interview.
Je tiens à garder une certaine modestie de ce coté là.


On m'appelle directement parce que je n'ai pas d'agent, tu sais, le bouche à oreille fonctionne très bien de ce coté là.

Ensuite  ils me demandent si je suis disponible pour tel ou tel projet.

Si c’est la cas, ils m'envoient les CD pour travailler, je fais toujours un premier travail individuel.

Plus tard je reçois mon billet d'avion (ou de train) pour mes déplacements, et lorsque nous nous retrouvons avec tous les musiciens, il y a impérativement au moins une répétition avant de partir en tournée.

Parfois la tournée a déjà commencé, alors la répétition peu se passer en Angleterre, aux Etats Unis, ou en Australie.
Il est arrivé que je rejoigne une tournée en Australie, nous avons répété pendant 15 jours, puis nous sommes partis dans la foulée.


La plupart du temps, nous ne faisons que des filages, car je suis censé connaître les morceaux.

Par exemple, quand Manu Di Bango m'appelle, il me donne la liste des morceaux à jouer, une quinzaine en général, il sait que je vais me débrouiller pour trouver la musique sur Internet ou ailleurs.


Quand le jour de la répétition arrive, je dois connaître les 15 titres, nous faisons le filage, nous discutons surtout les ponts, les fins et c'est tout.

7) Tu prends des notes ou fais-tu tout de mémoire ?

Je ne me sers pas de partition, car je n'ai jamais appris à lire la musique, j'aimerai bien savoir le faire ceci dit !


Je sais que c’est bien de lire, mais si tu peux travailler sans lire, tant mieux pour toi.
Les gens me disent toujours que c'est impossible, ils me demandent aussi comment je fais,

Ils disent que ça me pénalise, et que je ne peux pas travailler au Etats-Unis, avec de grands musiciens.
Alors je leur réponds que ça ne m’empêche pas de travailler au Etats-Unis justement, et avec de grands musiciens.

A mon tour, je leur demande comment ont fait  Stevee Wonder ou Ray Charles, puisque aucun des deux, ne pouvait lire une partition.

8) Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Prince ?

Je suis allez joué à Minéapolis avec Manu Di Bango, dans une boite qui s'appelait à l'époque  « First Avenue ».


Alors que  nous passions justement devant cette boite, le chauffeur du tour bus nous dit qu'il y a Prince à l'intérieur, car sa limousine était garée juste devant.

Alors, avec mon frère, nous avons décidé de ne pas perdre de temps arrivés à l'hôtel, nous avons posé nos bagages, puis avons filé directement à la boite, qui était à 500 mètres de l'hôtel, pour rencontrer Prince.

Quand nous sommes arrivés, il était effectivement là.


Nous nous sommes fait connaître, en précisant que nous allions jouer ici le lendemain avec Manu Di Bango.
Nous avons dit que nous aimerions bien jamer avec les gens qui étaient là, sur ces paroles on nous a répondu ;
"Yeah soul Makossa " Ils nous ont donné les instruments, on a commencé à jouer,  apparemment ils ont aimé.


Alors que mon frère et moi faisions des rythmique africaines, Prince est monté sur scène et de là, nous avons jamé ensemble.

A la fin, Prince nous a demandé nos coordonnées, mais il est resté des années sans même nous téléphoner.
Puis un jour, le téléphone a sonné, c’était Prince lui-même qui nous sollicitait. Wahou

C’est souvent de cette manière que j’ai rencontré plusieurs artistes.

9) Cela confirme qu'il faut sortir de chez soi, écouter et rencontrer les musiciens pour de vrai. Pas besoin de passer son temps uniquement à regarder les autres sur Internet, non ?.

Effectivement, il faut sortir de chez soi, tu sais, sur Youtube j'ai appris des choses, mais voir un batteur pour de vrai, ça nous en apprend toujours plus.


J’aime voir où il va jouer sa baguette, au centre,sur les côtés, sur le cercle ?

C'est ça que j'ai envie de voir, j'ai envie de voir quand sa baguette tombe par terre, parce qu'il sait planté par exemple, se sont ces situations là qui me font aimer les batteurs, c'est bien mieux que les vidéos surfaites.

Il y a des gens qui mettent des vidéos sur Youtube,  en se mettant vraiment à leur avantage, il n'y a plus que ça maintenant, mais où est la réalité ?


J'ai, moi-même, mis sur Youtube, des vidéos à mon avantage, mais ce n’est pas représentatif de ce que je suis, ni de comment je joue réellement.
Souvent, il n'y a que des extraits de concert, jamais la totalité, tu ne peux donc pas te rendre compte réellement du jeu du batteur.


Et puis le son que tu entends sur Internet, ne sera jamais celui du concert que tu aurais pu entendre en vrai.


Certains moments sont mieux que d'autres, soit c’est au début, soit à la fin, mais pour entendre et apprécier la musique, rester chez soi, c'est vraiment dommage.


Aujourd’hui, les gens restent de plus en plus chez eux, devant leurs écrans géants, au lieu de sortir pour voir et écouter des concerts.


Les gens se disent que plutôt que de ne rien voir (en allant au stade de France par exemple), ils préfèrent voir un concert dans leur canapé, avec une retransmission où il y a plusieurs angles de vues, mais où l'ambiance n'est pourtant pas la même qu’en réalité.

10) Tu as (momentanément) suspendu les grosses tournées, pourquoi un tel choix ?

Aujourd'hui, je fais beaucoup de théâtre, des comédies musicales, je tourne aussi des courts métrages, et j'aimerai bien tourner dans de plus longs métrages.


Je prépare aussi un « one man show » où je chante, je danse,  je joue de la batterie, de la basse, des percussions et de la guitare.

Pour moi c'est un peu une master classe, mais plus approfondis, je parle de la vie, de ma vie, des anecdotes des musiciens, d'étrangers qui arrivent en France, avec tout ces petits détails qui font que ma vie sera mieux connue du grand public.


Je ne veux plus être, seulement qu’un batteur qui joue quelque part.


Honnêtement, j'en ai mare de jouer pour les autres, je ne crache pas dans la soupe, loin de là, car c'est ce qui m’a fait connaître qui me donne du crédit, mais en même temps, je n'ai jamais rien réalisé sous mon nom, mes idées et mon énergie ont toujours été 100% pour les artistes avec qui je travaille.

Je pense que maintenant, c’est le moment de faire quelque chose, qui m'appartienne vraiment.
Pour autant,  je ne refuse jamais les plans qui me sont proposés, (même si ce n’est plus comme avant).


Mais aujourd’hui, je privilégie le travail ou j'interviens directement.
Je suis aussi chanteur, même si je continue à être batteur, et je chante beaucoup dans les pays comme la Russie.
C’est vrai que c'est un peu particulier, car se sont des milliardaires Russes qui m'invitent pour chanter.


J'ai aussi chanté aussi à NewYork au « First Tuesday », à Miami et San Francisco, ainsi qu'à Monaco et dans le sud de la France.

Avant, je faisais beaucoup de batterie, et que de la batterie.


Maintenant je partage mon activité en 3 : il y a la comédie, le chant et la batterie.


Je cherche toujours à développer ce côté show man, être devant un micro,  jouer de la batterie, raconter des choses, tout comme le faisait Nat King Cole à l'époque, il chantait, avait une chaîne de télévision, racontait des anecdotes, c'est vraiment ce que je veux faire aujourd'hui.
Je travaille beaucoup pour ça.

Beaucoup de gens me disent, " Tu ne joues plus de la batterie, c'est dommage" et je leur dit que ce n'est pas dommage, je suis un artiste musicien qui s'exprime par le biais de la batterie, et demain je m'exprimerais d'une autre façon.
Il y a tant de choses qui permettent cela.
Prenons l'exemple de Phil Collins, avant il était batteur, et aujourd’hui il est devenu celui que nous connaissons tous.

A travers toutes ces activités, ce que je désire faire, c’est une autobiographie.

Car qui, en dehors de moi-même, peut mieux parler de moi ? Personne je crois......


Pas mal de choses, pas toujours vraies, ce sont dites sur moi,  alors je profite de l’occasion que tu me donnes dans cette interview, pour rectifier tout cela.

11) Pour les fans, les passionnés et les curieux, nous parlerais-tu de ton kit ?

Mon kit........(rires), à vrai dire, c'est quelqu'un qui s'occupe de ça, pour moi.


J'ai une Pearl Référence, avec une grosse caisse de 20 que j'utilise beaucoup en ce moment, ou même une grosse caisse de 26, quand je joue du rock ou du jazz, je rajoute un tom de 13 et un tom bass de 18 et une caisse claire de 14x8, avec une pédale de la série Eliminator, pour les cymbales, c'est du Sabian.

Tu sais, mon kit varie selon les musiques que je joue.
Il sera toujours différent, si je joue du Rock, du jazz, de la pop, de la fusion, ou bien du funk.
Mon kit est vraiment full, quand je fais des master class, du style 3 toms, 2 toms bass une caisse claire en 13, 2 HH en 13, une ride 3 splsah, 6,7et 9, toujours au dessus de mon HH,
il y a aussi une china en 14, très petite et incisive à la fois, je l'utilise d'ailleurs comme une crash, puis il y a 2 Ozone en 16 et 18, je mets aussi une crash sur un tom bass, comme ça si je m'embête, je peux la toucher, ça me rassure.

12) Est-il important pour toi de te protéger les oreilles ?

C'est très important bien sûr, je suis resté très longtemps sans me protéger les oreilles, tu sais.
Un jour, j'ai rencontré Billy Cobham, qui m’a dit que je devais me protéger les oreilles, il a commencé à me parler de mon dos, de mes oreilles, mais j’avoue que  j'ai commencé à me protéger très tard.

A cette époque je ne jouais pas beaucoup, mais dés que j'ai commencé à tourner de façon intensive, j'ai décidé de protéger mes oreilles.


Certaines personnes mettent leurs protections juste avant de jouer, c'est une erreur, parce que ton oreille n'est pas habituée, alors tu frappes comme un malade, et tu ne te rends pas compte de la manière, dont tu joues réellement.


Quand tu mets des protections, le mieux c’est de les mettre une heure avant le concert, afin que l'oreille s'habitue à tous les bruits ambiants, et même ta propre voix, que tu perçois DE manière différente.
Alors quand arrive le moment de la balance, tu as un bon équilibre, tout se règle assez vite, et ta frappe est adaptée, parce que ton oreille est habituée. 

13) Tu utilises des Ears Monitor, ou des bains de pieds ?

Je travaille avec les deux, mais quand il y a des bains de pieds je les prends.
Pour moi le problème des Ears Monitor, c'est qu'il faut avoir du sacré matos derrière et bon un ingé/son avec, car un larsen peut stopper net ta carrière.

C’est bien d'être équipé d'un limiteur pour éviter les problèmes, il faut aussi avoir un shecker sous ton siège pour te restituer les basses, parce qu'avec les Ears, tu n'as pas forcement les basses qui vont avec.
Je ne suis pas sûre, mais je crois que les schekers qui restituent les basses sous le siège ne se font plus.


Quand je joue, si jamais il n'y en a pas, alors  je demande des bains de pieds, mais uniquement avec des basses, cela me permet d'avoir les vibrations dans la poitrine, la secousse quoi !!

14) Voudrais-tu partager une anecdote avec nous ?

Avec plaisir…
Je raconte souvent la première fois ou j'ai rencontré Billy Cobham, ça rend les gens plus modestes.
La première fois que je l'ai rencontré, c'était dans un club, justement dans le sud de la France, les gens jamés, et le gars qui dirigeait la jame, était vraiment hautain, et imbu de lui même.
J'ai demandé à pouvoir jamer aussi, mais le gars m'a dit : "non non, nous voulons vraiment quelqu'un qui sait jouer" …


J'ai lui ai répondu que ce n'était pas grave que je pouvais attendre

Au même moment, un type est monté et a demandé à jouer le morceau en question.

Il s'installe et on lui dit que c'est un morceau de Billy Cobham qu'il faut jouer : "Red Baron"


Le gars qui s'occupait de la jame lui dit : Tu sais, Red Baron est un morceau assez compliqué, alors si tu ne fais pas les breaks et si tu ne mets pas les accents, c'est pas grave, tu vas tout droit".


Le batteur qui s'était installé devant la batterie lui répond :
"bon, on va essayer, je vais voir"
Ils ont commencé à jouer, et là, ils se sont rendus compte que le gars marquait tout impeccablement et bien plus vite que le morceaux original, puis un solo de batterie s'est enchaîné, et là, j’peux te dire que ce batteur a couché tout le monde par terre.


A la fin du jame, le gars  lui demande ses coordonnées, pour pourvoir rejouer avec lui plus souvent. Le batteur répond : ok, ok, prend son blouson, l’enfile pour partir, et dans son dos il y avait marqué,"Just Cobham"


Tu te rends compte, ils ne l'ont même pas reconnu, et ils lui ont expliqué comment jouer son propre morceau.
Ça a vraiment amusé Billy de l'écouter donner des conseils.


Ensuite Billy est venu s’asseoir juste à côté de moi et quand le gars de la jame, a demandé qui voulait jouer, plus personne ne voulait y aller !

Billy a essayé de me faire passer, mais le mec de la jame était géné puisqu’il me l’avait refusé auparavant.
A l'époque, il fait dire que j’étais un petit Cobham, je faisais tout ses plans, j'adorais, je savais tout faire de lui, ça m'amusé de pouvoir interpréter ses morceaux à la même vitesse, comme lui, les faisait.
Ce n'est pas un secret, Billy Cobham a été celui qui m'a donné l’envie de jouer, c'est un Monsieur merveilleux, il y a aussi un batteur Camerouné merveilleux prénommé Edouard, malheureusement, aujourd’hui, il nous a quitté.


Je tiens aussi à souligner en dehors de toutes les anecdotes de batteries dont on parle, que pour un batteur, il est important de jouer comme il est.
Joue comme tu es, et sois comme tu joues.
Dans la vie, il n'y a pas que la batterie.........

Tu sais, quand tu choisis d'être batteur, tu choisis en même temps d'être derrière, caché par des trucs, c'est peut-être psychologique, mais quand tu es caché derrière ta batterie et  confortablement installé, en même temps tu es aussi la maman du groupe, quand tout le monde va s'amuser devant, toi, tu es derrière, tu contrôles, tu n'enlèves jamais un son de caisse claire, c’est plus facile de prendre une seconde pour un guitariste ou un autre
musicien de s'arrêter de jouer juste pour boire un coup, ou se gratter.


Toi tu peux pas faire ça, tu maintiens la maison, et quand tu maintiens la maison il faut savoir que c'est important d'être humble à la batterie.
Ce n’est pas valable que pour la batterie, dans la Musique en général, c'est important d'être humble, si tu n'es pas humble, ta carrière musicale  aura une durée limitée.

Il y a des gens que je connais très bien, qui sont de très bons batteurs où de très bons musiciens, mais ils ne sont pas humbles, et à cause de ça, aujourd'hui ils ont une mauvaise réputation.
Quand quelqu'un joue, si tu as l'expérience de la scène et de la vie, tu arriveras vite à s'avoir s’il est humble ou pas.

Pas parcequ'il joue vite ou qu'il fait beaucoup de solos, mais simplement parce que tu sens que sa manière de faire de la musique n'est pas généreuse, il faut être généreux quand tu joues.

C'est une énergie que tu sens.
C'est comme quand tu parles de l'amour de DIEU, tu ne peux pas douter de son amour, quand tu ouvres tes yeux, tu regardes ce qu'il a fait, tu ne peux pas discuter, et dire, non mais non c'est pas possible, tu ne peux pas, parce que tout ce qu'il a fait où qu'il fait, parle de lui-même.
Il est tout autour de toi, il y a la nature, l'eau coule, le soleil brille, tout ça, c'est pour nous, et là, ça nous parle.
Tu ne  peux pas le nier, ni le discuter.
Si tu veux le critiquer, pourrais-tu te dire que l'air que tu respires est cadeau par exemple.

Tout ça pour dire que l’humilité, est la première des choses pour moi.
Regardes autour de toi, les batteurs et les musiciens que tu as connu il y a 20 ou 25 ans, aujourd'hui, ils ne sont plus les mêmes.

J'ai toujours souligné ces choses, et je le ferais toujours, choses que je fais aussi dans mes master class.
Etre soi-même et être humble, c’est très important.
Je n'ai pas peur de dire qu'il y a des périodes de ma vie qui ont été plus difficiles que d'autres, que j'ai mangé de la vache maigre moi aussi, parce que je n'ai pas travaillé.

Je n'ai pas peur de dire ces choses parce que je n'ai pas la grosse tête, c'est tout.

Il y a des batteurs qui passent par des périodes difficiles, voilà, moi je les ai passé aussi, mais dans l'humilité.

Il n'y a pas longtemps, je ne jouais plus, je ne travaillais pas, alors que mon frère, lui  travaillé beaucoup.
Il y a des périodes comme ça, ou il y a des hauts et des bas


Mais il y en a qui te diront, mais non moi je bosse, je suis à Djakarta, à Los Angeles, mais c'est pas vrai, et ça, c'est manquer d'humilité, parce qu'ils ont peur, de ne plus être aimés.

15) As-tu un conseil à donner aux plus jeunes, et aux autres ?

Ce que je viens de dire dans la question précédente, en dit déjà beaucoup.


Aujourd'hui chacun à la chance de travailler avec Internet, il faut fouiller un maximum.
Pour les plus jeunes,  ouvrez- vous à un maximum de styles, ne vous spécialisez pas dans un style en particulier, si vous voulez jouer de la batterie, ne vous enfermez pas dans du rock, du jazz, du funk ou d'autres musiques, mais jouez d'abord de la batterie de façon générale, et après vous pourrez vous spécialiser.

Ecoutez un maximum de musique, beaucoup, beaucoup de musique.

Mais sachez aussi écouter les gens, avec qui vous jouez.
Avant de vous écouter jouer, écoutez ce qui se passe autour de vous.
Même si vous n'avez pas un super niveau, écoutez comment les autres jouent, et adaptez vous aux autres.
Une fois que vous vous serez adaptés, les gens verrons que c'est vous qui tenez la maison, et ils viendront vers vous, et se reposerons sur vous.
Si vous faites l'inverse, et que vous imposez vos choix, tout sera inversé, les autres ne viendront pas vers vous.

Certains le font, ils s'imposent, jouent, jouent, jouent, et ça fige les choses, c'est pas comme ça qu'il faut fonctionner.
Il faut venir, s'asseoir, restez humble, ça vous permettra d'écouter se qu'il se passe autour de vous.
Suivez d'abord le bassiste, après le chanteur, le guitariste, mettez vous derrière, et gardez la ligne, prenez l'autoroute, et vous verrez que les voitures se mettront derrière vous, dans l'aspiration.
C'est comme ça, que vous garderez la maison.
Quand vous vous rendez quelque part, vous  n’y allez pas en tapant des pieds, quand vous entrez dans une maison, vous ne faites pas de bruit, vous ne tapez pas des pieds, vous ne jetez pas vos affaires sur une chaise ou ailleurs, vous y entrez doucement.

Mais si on vous invite, vous entrez, vous vous asseyez sur le canapé, et là tout le monde vous écoutera parler.
Si vous entrez quelque part, et que vous faites tout tomber, lorsque vous serez assis sur le canapé, personne ne vous écoutera. 
Tout aura été dit avant.
Cela nous ramène toujours et encore à l'humilité.
Comme je l’ai dit plus haut,  pour moi l'humilité et le respect des autres, c’est très important.
Quand je dis « les autres », c'est le public et les musiciens avec qui je joue, la musique que je joue.
Chacune des parties méritent tout mon respect, en tant que musicien.

Propos recueillis le lundi 15 octobre 2012 par Franck Cascalès
Correction Nadège Cascalès.

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